2000
Sous les pixels, mon quotidien
Le jour où tout a commencé !
Les images représentent une journée sur 9 mois.
« L’appartement de Monsieur X se trouve au 3e étage, porte gauche, de l’immeuble blanc crème situé au bout de la rue de Paris à Rennes. C’est un immeuble sans prétention architecturale, bâti sûrement dans les années 50. Lorsque l’on pénètre dans la cage d’escalier, on peut s’apercevoir que l’isolation acoustique n’a pas été prise en compte par l’architecte. Chaque porte palière, laisse transparaître la vie des occupants. Cela dit, un certain charme en ressort et je le loue depuis le premier décembre 1999 avec mon amie.
L’appartement est composé de trois pièces à vivre, desservies par un long couloir sombre. À droite de la porte d’entrée, il y a le salon pour les escales, pour la détente, pour recevoir. Dans son prolongement, on peut voir une magnifique chambre, décorée d’un papier peint vert prairie. Les deux pièces sont orientées plein sud, ce qui est fort agréable. À gauche de la chambre, il y a le “bureau”. Les toilettes sont décorées d’un papier peint brun avec des milliers de petites fleurs oppressantes cuivrées et roses. La salle de bain est dans les tons rose pastel, une couleur assez douce pour le matin. Et enfin, dans la cuisine les cerises de la tapisserie se démènent avec les meubles en faux rustique.
Notre quotidien s’anime de banalité, de travail, d’organisation de tâche ménagère, de hasard, de folie passagère, de rêve, de fête… et de dimanche ensoleillé. Dans l’avachissement hebdomadaire que je pratique avec passion, de multiple d’objets sans importance se manifestent et me narguent comme s’ils attendaient que je façonne…
Une tasse de café, une cuillère, une feuille de cours, un ticket de bus usagé, un verre sale, une cigarette se consume dans le cendrier, un désordre de prospectus publicitaires de la semaine, un rythme endiablé couvre les bruits de la rue… tous ces objets vivent devant moi. Ils sont peut-être plus vivants que moi finalement. Ils sont si ordinaires et en même temps si singuliers qu’ils me parlent, m’interrogent. Ils veulent probablement que je joue avec eux.
Je les regarde, observe, scrute, dans leurs structures, leurs formes et leurs couleurs. Puis je mémorise le dialogue qui s’opère entre eux. Les objets ont cette faculté d’échanger entre eux, mais aussi entre eux et moi. Cet échange devient essentiel. Il éveille et incite le détournement de sens, de fonction, de lieu… je sème l’ambiguïté dans les esprits et une autre réalité apparaît.
Et je m’improvise “VJ” [1] pour vous raconter de petites histoires sans importance d’une vie quotidienne. »
Extrait du prologue, mémoire de Maîtrise d’Arts Plastique « Sous les pixels, mon quotidien », 1999-2000.
[1] Abréviation de Visual Jockey, c’est à dire mixeur d’images. Voir lexique dans Art Press, « Techno, anatomie des cultures électroniques », hors-série n°19, novembre 1998, p.177